La blonde du fils de mon mari pense que je gagne ma vie en écrivant des romans Harlequin. Où a-t-elle pris cela?
L’anglais connaît un mot – writer – là où le français en a deux : « écrivain » et « rédacteur ». Sartre, dans son essai Qu’est-ce que la littérature (1947) parle aussi de l’« écrivant ». En anglais, il y a aussi les copywriters, qui ressemblent à nos rédacteurs et aux écrivants de Sartre. Je me dis que la méprise de la blonde ne tient qu’à la langue, puisqu’elle est anglophone.
Elle sait que je suis une writer et elle voit bien que je gagne ma vie. Comment une obscure writer francophone peut-elle gagner sa vie si ce n’est en écrivant des romans qui se vendent? Des romans Harlequin.
Peu d’écrivains gagnent leur vie en écrivant. Et pas seulement au Québec, partout. Dans toutes les langues. Comme la majorité des écrivains, je gagne ma vie autrement. Je rédige. J’utilise les mêmes mots, le même clavier, la même grammaire, la même syntaxe et pourtant ce n’est pas la même chose du tout.
Rédiger, n’est pas écrire.
Le mot redactor existe aussi en anglais, m’informe ma presque-bru. Il possède la même origine latine que « rédacteur » : redactus, participe passé de redigo. Le verbe redigo signifie aussi bien « ramener » que « faire rentrer, réduire ». How interesting! Elle me signale qu’en anglais redactor ne s’emploie guère que dans un sens bien particulier, et le mot français qui lui vient pour le traduire est « censeur ». To redact, c’est éditer en enlevant des passages compromettants ou des informations confidentielles. Ainsi, le redactor anglais n’écrit pas, il masque ce qui a été écrit. Very interesting, indeed! Alors, qu’écrire, c’est se rapprocher de la vérité.
Prétextes 